dimanche 30 décembre 2012

Avec les dents

Il a une cinquantaine d'années et il est bien conservé (son corps, du moins). Il joue seul avec son frisbee depuis plus d'une heure, joyeux comme un enfant unique ou un chiot. Il le lance dans le vent, devant lui, et le récupère dans sa bouche, ou plutôt entre ses dents car tel est le but du jeu : faire tourner le frisbee le plus longtemps possible entre ses dents. Le soir tombe, les gens sortent de l'eau, replient leur serviette, il lance son frisbee encore une fois. Et encore. Et encore. Il n'a pas le choix, il doit battre son record avant la nuit.

mercredi 5 décembre 2012

Lequel ?


Au commencement était le verbe, mais lequel ? 
Parler ? 
Attendre ? 
Courir ? 
Embrasser ? 
Se taire ?


jeudi 15 novembre 2012

A la recherche du temps vertical


A Vienne, on trouve un horloger dans chaque rue (vous pouvez vérifier, c'est la stricte vérité), et des horloges à chaque carrefour, sur toutes les places, et même au fronton de la cathédrale. Cela ne doit absolument rien au hasard, c'est même tout ce qu'il y a de plus raisonnable. C'est parce qu'à Vienne, le temps ne passe pas à la même vitesse qu’ailleurs. Ca vous saute aux yeux. Vous ne verrez jamais un Viennois courir, par exemple. On ne court pas quand on a tout son temps, et ici on a tout son temps parce qu’ici le temps passe plus lentement. Et ça ne date pas d'aujourd'hui. Dans tout le premier arrondissement, on ne trouve aucune trace (d'architecture ou d'autre chose) postérieure à 1920. Le promeneur parti de chez lui en 2012 doit s’y résoudre : il arpente là les rues d’une capitale européenne au début du XXe siècle. Et si le temps passe ici plus lentement que dans le reste du monde, c’est justement parce qu’on est précisément au centre du monde. Je l’ai senti dans mon corps. A Vienne, la terre tourne moins vite. C'est net. Tellement moins vite qu’elle ne tourne presque pas. L’eau qui s’écoule au fond des lavabos s’y introduit sans décrire aucun mouvement circulaire, et nul gros buveur de liquides alcoolisés ne trébuche jamais sur les pavés pourtant si traîtres de la Stephansplatz. Je vous parle d’expérience. Et s'il n'est pas question de temps vertical, à Vienne, on n'évolue pas pour autant dans un ordinaire déroulé horizontal. On flotte, on souffle, on parenthèse au coeur d'une douce incurvation bienveillante, et on oublie l'espace de quelques heures de regarder celle qu'il (n')est (pas).

lundi 5 novembre 2012

Ces deux-là

Anne aime les Impromptus de Schubert.

Les pantoufles de Georges, ce sont des baskets.

Anne veut voir les albums photos maintenant. Oui, maintenant, au milieu du repas, au milieu des assiettes. Ca ne peut pas attendre. S’il te plaît. Elle pousse les miettes, tourne les pages, vite. Et elle dit : c’est beau la vie, la longue vie.

Georges ne se plaint pas. Georges est vivant, Georges a vécu. Georges ne parle pas pour ne rien dire. Il dit ce qu’il pense, ce qu’il pense utile, ce qu’il pense utile à dire. Georges ne dit pas ce qu’il fait. Il peut dire ce qu’il a fait, et pourquoi, si ça peut aider quelqu’un, de comprendre ce qu’a fait Georges et pourquoi. Georges est d'accord pour parler sérieusement. Mais si on peut éviter de lui poser des questions inutiles, si on peut simplement lui faire confiance, c’est aussi bien. C’est mieux. Georges ne se cache pas derrière les mots. Il les choisit. Alors Georges parle. Il raconte des histoires, des souvenirs, parfois même il chante.

Anne demande peu. Anne demande le minimum. Le minimum de mots tristes, ceux qui soulignent ce qu’on sait déjà trop. Anne demande le minimum de laideur. Et s’il n’y a plus rien à dire, un sourire suffira. Et si personne ne peut plus sourire, alors on s’arrêtera là.

Georges offre des fleurs à Anne. 

dimanche 28 octobre 2012

Cou nu

- Bonjour.
- Bonjour. 
- ...
- Comment allez-vous ?
- Bien, mais je n'aime pas beaucoup cette question.
- Ah. Et pourquoi ?
- Pour ce qu'elle veut savoir, c'est terriblement intime tout de même... Montrer son pot comme ça à qui le demande.
- Les chiens se sentent bien le derrière...
- Vous n'êtes pas un chien, Docteur.
- Ça ne vous plairait pas parfois d'être un chien ?
- Non, je ne crois pas. Un ours, je ne dis pas... Mais un chien, non. Pas.
- Alors ? Comment vous sentez-vous ?
- Comment je me sens... Comment peut-on se sentir ? J'aimerais bien savoir ce que je sens... Oui... Mais pas pour le premier chien venu. Je ne sais pas comment je me sens, mais je suis d'humeur à plonger mon nez dans un cou, m'y blottir, me fondre dans son odeur, l'odeur de ma soeur... Je suis d'humeur à humer l'autre, peut-être. Enfin, humer son cou...
- Que cherchez-vous dans le cou de l'autre ?
- De la douceur. 
- C'est tout ?
- Du silence. Et du noir, pas de regard. Aucun bruit. Juste une odeur, et je ne mettrai aucun mot sur cette odeur.
- Pas de son, pas d'image... Une envie de changer de sens ?
- Une envie de non-sens. Non, une envie de nudité plutôt, mais avec une odeur. C'est particulièrement nu, un cou, non ? Vous avez remarqué ? Je ne crois pas qu'il y ait plus nu qu'un cou. Cette envie de cou nu, c'est une envie d'avant les mots, d'avant la lumière. Une envie d'avant, quoi.
- Chez Maman...
- Peut-être, mais alors avant d'apprendre qu'elle existe, avant de savoir qu'on était dedans... 
- ...
- ... Non, juste une envie de nu. Oui, c'est ça : nu comme un ver, nu comme un homme.
- Ou comme un chien...
- Si vous voulez...
- On regarde quelque chose ?
- Oui.

lundi 15 octobre 2012

Mais de quoi ?

- Il est vain de tenter de masquer ses incapacités en choix raisonnables. Nous ne sommes simplement pas ce que nous devrions être : des singes ou des ours. Nous parlons, nous parlons sans cesse, mais en pure perte, c’est tellement absurde d’être soi, d'être là.
- Pourquoi me dites-vous ça avec une telle emphase ?
- L’ironie, Monsieur. Je me dois bien ça. Car c'est moi que j'admoneste, ne vous méprenez pas.
- Très bien. Poursuivez alors...
- L’inconstance est mon ordinaire : volonté, renoncement, désir, honte, chaos, peur et témérité, tout ensemble. Et l'incapacité comme comme résultat sinon comme cause. Tout est là. Je constate et j'assume. Mais loin de moi l’idée de feindre un quelconque contentement, car de contentement il n’est point ; accepter ses limites n’est pas s’en satisfaire.
- Pourtant, vous ne semblez pas tellement abattu…
- Méfiez-vous de l’ironie, Monsieur.
- J’entends, mais vous avez l’air d’avoir une botte secrète…
- Vous la connaissez, tout le monde la connaît, et elle n’est pas plus magique que secrète.
- Dites tout de même...
- Comment répondre à la frustration du réel sinon par l’imaginaire ?
- Oui.
- “Oui” ?
- Je ne dis pas non. L’imaginaire, oui…
- J’entends votre petit ton... Mais qu'avez-vous de mieux à proposer ? La psychanalyse ? La philosophie ? Laissez-moi rire, soyons sérieux. L'imaginaire, oui! Et que la satisfaction n’habite pas plus les contrées chimériques que la réalité ne suffira pas à me décourager, il faudrait ajouter l’impotence à la surdité pour renoncer à la quête de la musique savante.
- Pardon ?
- La musique savante, illumination rimbaldienne.
- Ah, pardon…
- Non, c’est moi.
- Très bien, l’imaginaire et la musique savante, alors. Mais pourquoi me racontez-vous ça ?
- A un journaliste qui lui demandait pourquoi La soif et la faim, Ionesco répondit : “Je ne sais pas. Les Hommes ont soif, les Hommes ont faim. Mais de quoi ?”.
- …
- C’est magnifique, n’est-ce pas ?

mercredi 10 octobre 2012

Comme un avion sans aile


Rrrrrrro Rrrrrrro
Rrrrrrro Rrrrrrro

L’oreille collée sur les pylônes
J’écoute miauler les éoliennes
J’embrasse leur grand pied d’anémone
L’une après l’autre en file indienne

Rrrrrrro Rrrrrrro
Rrrrrrro Rrrrrrro

Bercé par leur lenteur synchrone
Je leur prête un cœur d’obsidienne
Transi, je ressens pour ces clones
Une mélancolie diluvienne

Rrrrrrro Rrrrrrro

Les pieds nageant dans mes bottes
Dans la plaine je m’emballe

Rrrrrrro Rrrrrrro

En apprenti Don Quichotte
Sur la crête je m’empale

Tchac

mercredi 3 octobre 2012

Grizzlis

Les feuilles commencent à tomber, les ours vont derrière leur bouclier. Il sera bien temps d'hiberner. Ils ne tremblent pas, ils trébuchent, se cognent, en font presque une danse. 
Sur le chemin, ils font le compte des jours perdus, ils ne peuvent pas s'en empêcher. Les amours mortes se ramassent à la pelle, c'est ce qu'ils racontent sans y croire vraiment, car toujours le feu sous la cendre, après, longtemps. Ils le sentent sous leurs pieds, demain comme hier. Et sous le pont, ils parlent tous en rond, ils jouent de la guitare, ils conjurent, ils tentent. Ils sont déjà venus une autre fois, ils connaissent l'endroit. Déjà encore. Ils pourraient se résigner, mais ils ne savent pas. Ils ne savent pas grand chose, en vérité. Est-ce une chasse ou une cueillette ? Si seulement ils savaient faire un feu... Ils vont derrière leur bouclier. Et le sens est dur à trouver. Ils avancent dans la toundra, les bras tendus, récitant des mantra. Par delà le bien et le mal, s'estimant heureux le plus souvent. Et bientôt perdus. A la fin, forcément, mais depuis le début. Alors ils lèvent les yeux au ciel pour rendre le regard, car d’autre ils n’attendent rien. Ou bien si, car ils n’oublieront pas la morsure, le soleil blanc et le sang. Alors ils vont derrière leur bouclier. Ils sortent du bois, franchissent le seuil, à la rencontre encore une fois. Et je crois bien qu’ils chantent.
 

jeudi 27 septembre 2012

Un petit vélo dans la tête



- Dring !
- Ah, vous sonnez, maintenant ?
- Je ne me souvenais plus… Avant, je frappais ?
- Il me semble…
- …
- Ca vous amuse ?
- Frapper avant d’entrer, c’est comme « Pendez-le, on le jugera après »…
- Vous ne voulez pas vous asseoir ?
- Je ne sais pas… On ne peut pas rester debout ?
- Si.
- …
- Je vous écoute.
- Eh bien justement, je n’ai rien à dire. C’est pour ça que je suis là. Je suis prisonnier de boucles sans queue ni tête. Je ne comprends plus rien à grand chose… J’ai l’impression que mon cerveau a grillé.
- Grillé ?
- Oui, grillé. J’ai eu un coup de chaleur cet été et j’ai lu sur le web… Oui, je sais, mais je ne peux pas m’en empêcher… Bref, j’ai lu sur le web qu’en cas de coup de chaleur, le cerveau était atteint en premier…
- En premier…
- Oui, avant les reins, le foie, le colon…
- Oui.
- Oui, et donc j’ai peur d’avoir perdu beaucoup. De faculté mentale...
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Parce que je réfléchis comme un imbécile. Quand je réfléchis.
- Allez-y, par exemple…
- J’ai des pensées pathétiques. Par exemple, je me dis que la vie se découpe en deux parties : au milieu, un champ d’herbe tendre parsemée de coquelicots où attend une femme inconnue qu’on aime et qui nous aime. D’un côté, il y a le premier temps de la vie où on se dit qu’on ira dans le champ plus tard ; et de l’autre, le second temps de la vie où on réalise qu'on n'est pas allé dans le champ, ou si peu. Voilà. Vous voyez ?
- Quoi ?
- Que mon cerveau est grillé.
- …
- Et sinon, je crois que je suis sourd aussi.
- Vous faites toujours du vélo ?
- Oui.
- Continuez.
- A faire du vélo ?
- Oui, faites de l’exercice.
Comme vous vous sentez diminué, aujourd’hui c’est moi qui vais vous montrer une vidéo.

mardi 18 septembre 2012

José Tomas - Nîmes, 16 septembre 2012

Je ne sais pas parler des six taureaux de José Tomas. Je n'ai ni la culture, ni l'expérience suffisante (je ne suis qu'un petit cochon qui s'est offert la meilleure des confitures). Son génie et mon ignorance m'ont sauté aux yeux à la première passe de cape (que je ne m'amuserai même pas à appeler par son prénom), mais je peux dire que ma peau s'est rétractée pendant plusieurs minutes (comme j'ignorais que c'était possible) et que mon cœur s'est arrêté deux fois (ou douze). Si vous ne croyez pas aux miracles, passez votre chemin, il n’est question que de ça.
Je peux dire que le ciel était aussi bleu que le mistral absent, et que l'ovale antique des arènes de Nîmes s'accordait magnifiquement à l’art classique du sobrissime torero.
Je peux dire que cet homme-là est différent ; il joue Phèdre et Hyppolite dans un même geste ; il donne la mort comme personne (comme un samouraï gitan, un chevalier sans cheval, un anti Buffalo Bill). Il n'élève jamais la voix, il murmure aux oreilles des taureaux (c'est pour ça qu'on les lui donne toutes) ; il ne tape pas davantage du pied, il glisse ses talons sous leur nez ; et plus l’animal est rapide, plus sa main ralentit.
Il me semble que son quatrième taureau a été épargné par grâce collatérale. Tomas l'a élevé au rang de graciable. Et il l'a raccompagné au toril comme on reconduit une jeune fille chez ses parents après le bal. C'était de la magie (oui, je peux dire ce mot usé, c'est toutes les autres fois que je n'aurais pas dû). Dimanche, j'ai vu Houdini sous le soleil de Satan.

dimanche 16 septembre 2012

Et il parle

Le garçon est à peine un homme qu'il a déjà deux voix. Il mue, se révélant traître à lui-même, aux oreilles de tous. On s'épargnera donc dès lors de compter ses paroles. Même s'il essaya sincèrement, y mettant alors tout son cœur, une fois au moins. Et j'en ai connu qui persévérèrent, mais laissons-là ces originaux et suivons celui-ci car il est l'ordinaire, le mammifère bavard sur deux pattes modèle standard, celui qu'il nous faut, ne chipotons pas. Et donc, aussi normal qu'il fut, quand il retrouva ses esprits, dès la première fois, il sut. Que le désir comblé en appelait de différents, et la cruauté du temps, et tout un tas d'autres choses inutiles à dire. Il saisit le tout d'un coup. Et le monde s'est ouvert, mais dedans, grande crevasse, d'un coup de pic à glace de la glotte au scrotum. Et il a poussé un cri, de sa voix d'enfant retrouvée pour un instant. Comme les autres avant lui.
Depuis, il avance, timide le plus souvent, hardi parfois, calme ou impatient, mais la peine toujours mêlée à la joie, à chaque pas, écrivant la fin au début, n'oubliant jamais avoir dit deux fois "cette fois, c'est différent". Et pourtant, il parle encore. De la voix qu'il croit sienne. Le vieux Werther.  

lundi 10 septembre 2012

Juan Bautista - 08/09/12 (Toro de Victoriano del Rio)


'
Et sur ce mur lorsque le soir descend
Aranjuez, mon amour
On croirait voir des taches de sang 

Ce ne sont que des roses

jeudi 30 août 2012

Western Haïku n°17


Sous un ciel de fer
Dans l’étroitesse de l’impasse
Le sheriff pleurniche

lundi 27 août 2012

Unendliche Unsicherheit



Les deux amies discutaient devant le tableau depuis moins d'une minute lorsqu'elles ont commencé à devenir floues. La dame en jupe a alors rapidement changé de couleur avant de disparaitre dans la peinture, avalée, dissipée, pfuitt. Je le raconte comme ça, mais sur le moment, je n'ai pas compris ce qui se passait. J'étais hypnotisé, incapable d'ouvrir la bouche ou d'esquisser un geste, n'y pensant même pas. Tout s'était déroulé si vite, avec fluidité, sans la moindre violence. Elle était là et puis plus, voilà. Son amie a regardé la toile encore quelques instants et puis elle est passé à la suivante sans un regard derrière elle. C'était une exposition importante, il y avait tant de choses à voir. Moi aussi, j'ai quitté la salle.
Gerhard Richter dit que le spectateur ne peut pas s’empêcher de voir quelque chose dans les tableaux, même les plus abstraits, “parce que tout est enraciné dans le monde, tout est relié d’une manière ou d’une autre à l’expérience”. Je veux bien, évidemment, mais moi ce que j'ai vu, c'est une spectatrice disparaître dans un tableau ; une femme qui s'évanouit dans le paysage ; mon expérience, c'est une disparition, c'est l'absence.
 

samedi 25 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Des livres (Ateliers SNCF, Arles)


Chromes/William Eggleston. Inutile d'en parler, mais impossible de passer à côté.

Cruising/Chad States. De l'érotique des hommes des bois.

Street photographer/Vivian Maier. Un grand photographe de plus, découvert cinquante ans plus tard.

Fragile/Raphaël Dallaporta. Ceci est ton corps.

Moments before the flood/Carl de Keyzer. Des images en forme de traits d'esprit.

Pictures and text/Juergen Teller. C'est encore mieux quand il en parle.

Sans titre/Paolo Pellegrin. Sans commentaire.












mercredi 22 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Dans les rues d’Arles


J’ai grandi à Cannes, qui est tout sauf la ville du cinéma (entre deux festivals réservés aux festivaliers, quelques malheureuses salles jouent leurs petits mouchoirs de la saison ou les blockbusters américains en version française de rigueur). Non, en réalité, Cannes est la ville de la télévision : la ville qui permet à la télévision de faire semblant de parler de cinéma. De temps en temps, la télévision fait semblant de parler de théâtre, alors elle va à Avignon. Elle pourrait pousser jusqu'à Arles, mais non. Les images fixes, ça passe mal à la télévision. Il faut que ça bouge, et il faut des noms. Les photos, c'est bon pour la radio. Moi, j'aime bien la radio, et j'aime beaucoup Arles, même sans télévision... On ne peut pas tout avoir, hein. D'ailleurs, à Cannes, on ne voit pas de tags ni d'affichage sauvage sur les murs.


dimanche 19 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Bruno Serralongue (Atelier des forges, Arles)


A l’atelier des forges, on peut voir les images spectaculaires ou joueuses d’Olivier Metzger ou de Marina Gadonneix, mais quelques semaines plus tard, je me souviens surtout du travail de Bruno Serralongue au Sud Soudan. Pas de recherche d’effet, mais le regard d’un homme qui parcourt le monde en se posant des questions (sur les événements autant que sur leur représentation), et qui apporte des réponses en déclenchant au bon moment son appareil posé au bon endroit. Et du caractère en partie documentaire et fondamentalement classique de ses images, nait souvent une beauté abstraite, qui m'apparaît particulièrement moderne. Enfin, j'aime beaucoup les photographies de Bruno Serralongue, quoi.

samedi 18 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Anni Leppälä et Eva Stenram (Atelier de mécanique, Arles)

Anni Leppälä
Des femmes qui se montrent et qui se cachent en même temps : des rêves d'hommes un peu compliqués ; des pin-up pour binoclards.

Eva Stenram

vendredi 17 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Jonathan Torgovnik (Atelier de mécanique, Arles)


Les portraits de Jonathan Torgovnik sont droits et sensibles, frontaux, à la bonne hauteur, à la bonne distance… mais on n’a pas forcément envie de prendre ses photos en photo. 
Regarder chaque femme et chaque enfant. Lire le récit qui accompagne chaque image. Parce que le diable est dans les détails. Parce que l’horreur n’est pas un concept. Voir. Savoir.

Intended Consequences (Conséquences attendues) est une série de portraits réalisés au Rwanda sur des femmes ayant subi des violences sexuelles pendant le génocide, et des enfants nés de ces violences. Pendant trois ans, j’ai voyagé à plusieurs reprises au Rwanda pour photographier, interviewer et révéler les détails de ces crimes odieux, perpétrés sur les mères de ces enfants. Beaucoup d’entre elles ont contracté le VIH de ces hommes issus de milices et ont eu, pendant très longtemps, de grandes difficultés à parler de ces expériences, tues par la honte des viols et le fait de porter les enfants de rapports non choisis, alors même que les pères étaient souvent la cause du décès de tout le reste de leurs familles.
Toutes les rencontres présentées dans cette exposition ont eu lieu dans le secret des maisons de ces femmes. Il m’était impossible de me préparer à ce que j’allais entendre. Pour la plupart d’entre elles, c’était la première fois qu’elles exprimaient ce qu’elles avaient ressenti, pourtant avec chaque interview, elles partageaient avec moi des détails intimes liés à leur souffrance, leur isolement et les challenges de la vie quotidienne auxquels elle continuaient de faire face comme autant de conséquences directes de la violence qu’elles ont subi.
Ces mères ont survécu aux tortures les plus terribles et en ressentent encore aujourd’hui les traumatismes. Malheureusement, au Congo (RDC), au Darfour et dans le reste du monde, les victimes de violences sexuelles font face au même genre de challenges chaque jour. Mon plus grand espoir est que les gens, après avoir lu ces histoires et en visionnant les portraits de ces femmes et enfants, choisissent d’oeuvrer à s’assurer que de tels actes de violence ne se produisent plus jamais et d’offrir à ces femmes des jours meilleurs.
Jonathan Torgovnik

jeudi 16 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Echos d’une planète inquiète à l’Atelier de mécanique.

Regine Petersen - Find a falling star


Regine Petersen a incontestablement de l’humour, mais sa série sur les météorites a des faux airs de bande-annonce du Melancholia de Lars Von Trier : la fin (sinon la justice) viendra du ciel. Et les hommes peuvent bien explorer Mars (pour dessiner les plans de leur prochaine maison ?), ils ne se départiront pas comme ça de leurs superstitions. Entre temps, ils auront juste joué aux apprentis sorciers sur leur petite planète... 

Chu Ha Chung s’intéresse à ceux d’entre nous qui passent de “pleasant days” à proximité des centrales nucléaires : “les gens s’adaptent assez naturellement, influencés par les publicités positives diffusées par le gouvernement en faveur du développement nucléaire. /… / C’est lorsqu’ils sont le plus anxieux que les gens tentent de devenir plus optimistes. Cet optimisme dénué de tout sens critique est l’une des formes de cette peur sourde.” Son reportage a été effectué en Corée, peu de temps avant la catastrophe de Fukushima.

Lucas Foglia nous présente des hommes qui cherchent à vivre des pleasant days le plus loin possible des centrales : “motivés par des préoccupations écologiques, des croyances religieuses ou des prévisions d’effondrement économique, ils fabriquent leurs foyers à partir de matériaux de récupération, boivent l’eau qu’ils puisent à la source, chassent, cueillent ou cultivent leur propre nourriture. /... / Beaucoup ont des sites Internet qu’ils mettent à jour avec des ordinateurs portables, et des téléphones cellulaires qu’ils rechargent dans leurs voitures ou via des panneaux solaires. Sans rejeter complètement le monde moderne, ils s’en écartent d’un pas pour ne conserver que les éléments qui les intéressent.

A l’atelier de mécanique, on voit très bien tout ce qu’il y a à réparer, alors, fatalement, on se demande où sont passés les mécaniciens...

Chu Ha Chung - A pleasant day

Lucas Foglia - A natural order


mardi 14 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Sophie Calle (Chapelle du Méjean, Arles)


“La dernière et la première fois”. La dernière (chose que vous avez vue avant de perdre la vue) et la première fois (que vous avez vu la mer). Avec Sophie Calle, c'est toujours une histoire d'intimité qu'on pousse à l'extérieur (une histoire d'extimité ?), et si c’est toujours un peu la même histoire, c’est très mieux comme ça.
(et pour compléter le tableau, No (sea,) sex (and sun) last night en reprise au cinéma Actes Sud : cinéma-réalité désenchanté désabusé insatiablement à la recherche de son idéal aussi indicible que foiré d'avance, mais s'en fout : essaye, raconte, parle, dis, montre... toujours la même histoire, je vous dis)

Directrice de la photographie : Caroline Champetier
 

lundi 13 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Contrejour (Couvent Saint-Césaire, Arles)


Excusez-moi, mais il faut que je retourne dans les années 70, chez Claude Nori : il y a à boire et à fumer, et plein de nouveaux photographes qui font semblant de faire n’importe quoi. Ca débat, ça gueule, ça bosse, ça rigole. Ils font la révolution en se poilant, on dirait bien que tout est possible...





samedi 11 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Nadège Mériau (Atelier de mécanique, Arles)


Des grottes, des nids, des cachettes, des abris… Des chemins, des passages, des visions de l’enfer aussi. Homère et Voyage au centre de la Terre. Le travail de Nadège Mériau donne envie de jouer, ramène en enfance (Haroun Tazieff réapparaît au sommet d’un volcan de Mousseline, Nikki Lauda découvre le nouveau circuit automobile dessiné dans les Petits Suisses...). Et on reste là, devant ces étranges images, rêvant d’emménager dans la carcasse du poulet ; heureux d'être avalé (enfin) par ce qu’on avale (jour après jour), à notre place dans une chaîne alimentaire simple et parfaite : œil pour œil, dent pour dent. Funny trouble everyday. 


vendredi 10 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Auteur inconnu (Antiquaire rue du Dr Fanton, Arles)


Le portrait de cette petite fille (qui a les yeux de mon père et la coiffure de la princesse Leia) possède un pouvoir particulier. Ses lèvres étrangement colorisées (qui la féminisent à la limite de l'obscénité) maintiennent obstinément la vie au milieu de l’éternité du sépia : une pulsation sous la pierre, un éblouissement dans la steppe, another red spot in the landscape.

jeudi 9 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Denis Darzacq (Capitole, chapelle Saint-Laurent, Arles)


Le corps. Le mouvement. Le groupe. Le jeu. L'amour. L’autre.
Ne plus toucher terre, poser ses pieds dessus. Danser.
Ah ? Ce sont des handicapés ?



mercredi 8 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Josef Koudelka, Gitans (Eglise Sainte-Anne, Arles)


Ce sont des photos prises de l’intérieur, un anti-reportage, des photos probablement prises sans appareil, et, en tous cas, prises à personne (c'est quoi le contraire d'une prise de vue ? un don de l'âme ?). On est avec, au milieu, sans jamais se sentir intrus. On ne peut pas être là, mais on y est : sur la route, avec le jeune homme menotté, autour du cercueil, sur la luge, face aux trois endeuillés… Une seule image justifierait le voyage.

(cette exposition parce que Delpire réédite le livre Gitans, la fin du voyage exactement comme le voulait Koudelka (et pas selon le compromis auteur-éditeur de l’époque) : plus d’images, une maquette différente et un titre réduit à l’essentiel. Gitans, un livre pour ne pas trop jalouser les Arlésiens qui peuvent retourner voir l'exposition tous les jours jusqu’en septembre)