jeudi 30 août 2012

Western Haïku n°17


Sous un ciel de fer
Dans l’étroitesse de l’impasse
Le sheriff pleurniche

lundi 27 août 2012

Unendliche Unsicherheit



Les deux amies discutaient devant le tableau depuis moins d'une minute lorsqu'elles ont commencé à devenir floues. La dame en jupe a alors rapidement changé de couleur avant de disparaitre dans la peinture, avalée, dissipée, pfuitt. Je le raconte comme ça, mais sur le moment, je n'ai pas compris ce qui se passait. J'étais hypnotisé, incapable d'ouvrir la bouche ou d'esquisser un geste, n'y pensant même pas. Tout s'était déroulé si vite, avec fluidité, sans la moindre violence. Elle était là et puis plus, voilà. Son amie a regardé la toile encore quelques instants et puis elle est passé à la suivante sans un regard derrière elle. C'était une exposition importante, il y avait tant de choses à voir. Moi aussi, j'ai quitté la salle.
Gerhard Richter dit que le spectateur ne peut pas s’empêcher de voir quelque chose dans les tableaux, même les plus abstraits, “parce que tout est enraciné dans le monde, tout est relié d’une manière ou d’une autre à l’expérience”. Je veux bien, évidemment, mais moi ce que j'ai vu, c'est une spectatrice disparaître dans un tableau ; une femme qui s'évanouit dans le paysage ; mon expérience, c'est une disparition, c'est l'absence.
 

samedi 25 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Des livres (Ateliers SNCF, Arles)


Chromes/William Eggleston. Inutile d'en parler, mais impossible de passer à côté.

Cruising/Chad States. De l'érotique des hommes des bois.

Street photographer/Vivian Maier. Un grand photographe de plus, découvert cinquante ans plus tard.

Fragile/Raphaël Dallaporta. Ceci est ton corps.

Moments before the flood/Carl de Keyzer. Des images en forme de traits d'esprit.

Pictures and text/Juergen Teller. C'est encore mieux quand il en parle.

Sans titre/Paolo Pellegrin. Sans commentaire.












mercredi 22 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Dans les rues d’Arles


J’ai grandi à Cannes, qui est tout sauf la ville du cinéma (entre deux festivals réservés aux festivaliers, quelques malheureuses salles jouent leurs petits mouchoirs de la saison ou les blockbusters américains en version française de rigueur). Non, en réalité, Cannes est la ville de la télévision : la ville qui permet à la télévision de faire semblant de parler de cinéma. De temps en temps, la télévision fait semblant de parler de théâtre, alors elle va à Avignon. Elle pourrait pousser jusqu'à Arles, mais non. Les images fixes, ça passe mal à la télévision. Il faut que ça bouge, et il faut des noms. Les photos, c'est bon pour la radio. Moi, j'aime bien la radio, et j'aime beaucoup Arles, même sans télévision... On ne peut pas tout avoir, hein. D'ailleurs, à Cannes, on ne voit pas de tags ni d'affichage sauvage sur les murs.


dimanche 19 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Bruno Serralongue (Atelier des forges, Arles)


A l’atelier des forges, on peut voir les images spectaculaires ou joueuses d’Olivier Metzger ou de Marina Gadonneix, mais quelques semaines plus tard, je me souviens surtout du travail de Bruno Serralongue au Sud Soudan. Pas de recherche d’effet, mais le regard d’un homme qui parcourt le monde en se posant des questions (sur les événements autant que sur leur représentation), et qui apporte des réponses en déclenchant au bon moment son appareil posé au bon endroit. Et du caractère en partie documentaire et fondamentalement classique de ses images, nait souvent une beauté abstraite, qui m'apparaît particulièrement moderne. Enfin, j'aime beaucoup les photographies de Bruno Serralongue, quoi.

samedi 18 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Anni Leppälä et Eva Stenram (Atelier de mécanique, Arles)

Anni Leppälä
Des femmes qui se montrent et qui se cachent en même temps : des rêves d'hommes un peu compliqués ; des pin-up pour binoclards.

Eva Stenram

vendredi 17 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Jonathan Torgovnik (Atelier de mécanique, Arles)


Les portraits de Jonathan Torgovnik sont droits et sensibles, frontaux, à la bonne hauteur, à la bonne distance… mais on n’a pas forcément envie de prendre ses photos en photo. 
Regarder chaque femme et chaque enfant. Lire le récit qui accompagne chaque image. Parce que le diable est dans les détails. Parce que l’horreur n’est pas un concept. Voir. Savoir.

Intended Consequences (Conséquences attendues) est une série de portraits réalisés au Rwanda sur des femmes ayant subi des violences sexuelles pendant le génocide, et des enfants nés de ces violences. Pendant trois ans, j’ai voyagé à plusieurs reprises au Rwanda pour photographier, interviewer et révéler les détails de ces crimes odieux, perpétrés sur les mères de ces enfants. Beaucoup d’entre elles ont contracté le VIH de ces hommes issus de milices et ont eu, pendant très longtemps, de grandes difficultés à parler de ces expériences, tues par la honte des viols et le fait de porter les enfants de rapports non choisis, alors même que les pères étaient souvent la cause du décès de tout le reste de leurs familles.
Toutes les rencontres présentées dans cette exposition ont eu lieu dans le secret des maisons de ces femmes. Il m’était impossible de me préparer à ce que j’allais entendre. Pour la plupart d’entre elles, c’était la première fois qu’elles exprimaient ce qu’elles avaient ressenti, pourtant avec chaque interview, elles partageaient avec moi des détails intimes liés à leur souffrance, leur isolement et les challenges de la vie quotidienne auxquels elle continuaient de faire face comme autant de conséquences directes de la violence qu’elles ont subi.
Ces mères ont survécu aux tortures les plus terribles et en ressentent encore aujourd’hui les traumatismes. Malheureusement, au Congo (RDC), au Darfour et dans le reste du monde, les victimes de violences sexuelles font face au même genre de challenges chaque jour. Mon plus grand espoir est que les gens, après avoir lu ces histoires et en visionnant les portraits de ces femmes et enfants, choisissent d’oeuvrer à s’assurer que de tels actes de violence ne se produisent plus jamais et d’offrir à ces femmes des jours meilleurs.
Jonathan Torgovnik

jeudi 16 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Echos d’une planète inquiète à l’Atelier de mécanique.

Regine Petersen - Find a falling star


Regine Petersen a incontestablement de l’humour, mais sa série sur les météorites a des faux airs de bande-annonce du Melancholia de Lars Von Trier : la fin (sinon la justice) viendra du ciel. Et les hommes peuvent bien explorer Mars (pour dessiner les plans de leur prochaine maison ?), ils ne se départiront pas comme ça de leurs superstitions. Entre temps, ils auront juste joué aux apprentis sorciers sur leur petite planète... 

Chu Ha Chung s’intéresse à ceux d’entre nous qui passent de “pleasant days” à proximité des centrales nucléaires : “les gens s’adaptent assez naturellement, influencés par les publicités positives diffusées par le gouvernement en faveur du développement nucléaire. /… / C’est lorsqu’ils sont le plus anxieux que les gens tentent de devenir plus optimistes. Cet optimisme dénué de tout sens critique est l’une des formes de cette peur sourde.” Son reportage a été effectué en Corée, peu de temps avant la catastrophe de Fukushima.

Lucas Foglia nous présente des hommes qui cherchent à vivre des pleasant days le plus loin possible des centrales : “motivés par des préoccupations écologiques, des croyances religieuses ou des prévisions d’effondrement économique, ils fabriquent leurs foyers à partir de matériaux de récupération, boivent l’eau qu’ils puisent à la source, chassent, cueillent ou cultivent leur propre nourriture. /... / Beaucoup ont des sites Internet qu’ils mettent à jour avec des ordinateurs portables, et des téléphones cellulaires qu’ils rechargent dans leurs voitures ou via des panneaux solaires. Sans rejeter complètement le monde moderne, ils s’en écartent d’un pas pour ne conserver que les éléments qui les intéressent.

A l’atelier de mécanique, on voit très bien tout ce qu’il y a à réparer, alors, fatalement, on se demande où sont passés les mécaniciens...

Chu Ha Chung - A pleasant day

Lucas Foglia - A natural order


mardi 14 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Sophie Calle (Chapelle du Méjean, Arles)


“La dernière et la première fois”. La dernière (chose que vous avez vue avant de perdre la vue) et la première fois (que vous avez vu la mer). Avec Sophie Calle, c'est toujours une histoire d'intimité qu'on pousse à l'extérieur (une histoire d'extimité ?), et si c’est toujours un peu la même histoire, c’est très mieux comme ça.
(et pour compléter le tableau, No (sea,) sex (and sun) last night en reprise au cinéma Actes Sud : cinéma-réalité désenchanté désabusé insatiablement à la recherche de son idéal aussi indicible que foiré d'avance, mais s'en fout : essaye, raconte, parle, dis, montre... toujours la même histoire, je vous dis)

Directrice de la photographie : Caroline Champetier
 

lundi 13 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Contrejour (Couvent Saint-Césaire, Arles)


Excusez-moi, mais il faut que je retourne dans les années 70, chez Claude Nori : il y a à boire et à fumer, et plein de nouveaux photographes qui font semblant de faire n’importe quoi. Ca débat, ça gueule, ça bosse, ça rigole. Ils font la révolution en se poilant, on dirait bien que tout est possible...





samedi 11 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Nadège Mériau (Atelier de mécanique, Arles)


Des grottes, des nids, des cachettes, des abris… Des chemins, des passages, des visions de l’enfer aussi. Homère et Voyage au centre de la Terre. Le travail de Nadège Mériau donne envie de jouer, ramène en enfance (Haroun Tazieff réapparaît au sommet d’un volcan de Mousseline, Nikki Lauda découvre le nouveau circuit automobile dessiné dans les Petits Suisses...). Et on reste là, devant ces étranges images, rêvant d’emménager dans la carcasse du poulet ; heureux d'être avalé (enfin) par ce qu’on avale (jour après jour), à notre place dans une chaîne alimentaire simple et parfaite : œil pour œil, dent pour dent. Funny trouble everyday. 


vendredi 10 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Auteur inconnu (Antiquaire rue du Dr Fanton, Arles)


Le portrait de cette petite fille (qui a les yeux de mon père et la coiffure de la princesse Leia) possède un pouvoir particulier. Ses lèvres étrangement colorisées (qui la féminisent à la limite de l'obscénité) maintiennent obstinément la vie au milieu de l’éternité du sépia : une pulsation sous la pierre, un éblouissement dans la steppe, another red spot in the landscape.

jeudi 9 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Denis Darzacq (Capitole, chapelle Saint-Laurent, Arles)


Le corps. Le mouvement. Le groupe. Le jeu. L'amour. L’autre.
Ne plus toucher terre, poser ses pieds dessus. Danser.
Ah ? Ce sont des handicapés ?



mercredi 8 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Josef Koudelka, Gitans (Eglise Sainte-Anne, Arles)


Ce sont des photos prises de l’intérieur, un anti-reportage, des photos probablement prises sans appareil, et, en tous cas, prises à personne (c'est quoi le contraire d'une prise de vue ? un don de l'âme ?). On est avec, au milieu, sans jamais se sentir intrus. On ne peut pas être là, mais on y est : sur la route, avec le jeune homme menotté, autour du cercueil, sur la luge, face aux trois endeuillés… Une seule image justifierait le voyage.

(cette exposition parce que Delpire réédite le livre Gitans, la fin du voyage exactement comme le voulait Koudelka (et pas selon le compromis auteur-éditeur de l’époque) : plus d’images, une maquette différente et un titre réduit à l’essentiel. Gitans, un livre pour ne pas trop jalouser les Arlésiens qui peuvent retourner voir l'exposition tous les jours jusqu’en septembre)

mardi 7 août 2012

Souvenirs de Rencontres – Vincent Fournier (Grande Halle Ateliers SNCF, Arles)


J’aime les robots de Vincent Fournier presque autant que le hamster de ma fille. De manière inattendue, mais vraiment. Ils sont mélancoliques et joueurs. Ils veulent tellement nous faire plaisir, et en même temps, ils pensent à autre chose, mais quoi ? Et ses petits hommes qui préparent leur voyage spatial, je les aime pareil. On ne sait pas s’ils font semblant, s’ils y sont déjà, si ils iront un jour… Ils sont si fragiles, si seuls, si courageux… A moins qu'ils soient simplement perdus.


(sur la crête de la montagne, à gauche, un cosmonaute)


dimanche 5 août 2012

Celui qui remue

Debout !
Monsieur Oscar danse le sabat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants.
Il nous fait visiter notre maison : le tunnel de Saint-Cloud, le quai d'Ivry, la place de la Nation, des vues de Byzance, des remparts de Solyme.
Les rendez-vous s'enchaînent, il fait sombre partout, mais ce n'est pas (encore) la nuit.
Miroir, mon beau miroir, suis-je toujours le même ou toujours un autre ?
Monsieur Merde vit au Père Lachaise. Ah ! je ne l'avais pas prévu !
Ou es-tu Monsieur Alex ? Tu ne sais ni où tu vas ni pourquoi tu vas, entre partout, réponds à tout. On ne te tuera pas plus que si tu étais cadavre.
Entracte : cris, tambour, danse, danse, danse, danse !
On y retourne, on voudrait revivre, on voudrait vivre encore la même chose.
Ta punition, c'est d'être toi.
On revient (toujours ?) sur le lieu du crime.
Mais on ne trouve pas tout à la Samaritaine : hier l'amour, aujourd'hui...
Je voudrais me taire.
Monsieur Samuel n'est plus, mais il s'éclipse, fait faux bond, il n'attend pas Dieu, pas le temps, c'est l'heure de rentrer à la grotte (il a les clés dans la poche).
J'ai reçu au coeur le coup de la grâce.
Vite ! est-il d'autres vies ?