mardi 26 novembre 2013

Le désert des miroirs

Frederik Peeters
Frederik Peeters est mon ami. On ne s’est jamais vu, il ne soupçonne pas mon existence, mais c’est un ami de longue date, pourtant.
Frederik et moi nous posons les mêmes questions. Nous partageons quelques désirs et quelques peurs, il en fait des histoires, et moi, je les lis.
Le désert des miroirs, le troisième tome de sa série Aâma, est un beau titre. Alors je l’ai tapé sur le gros frère Google et j’ai appris que c’était préalablement le titre d’un roman de Max Frisch, auteur suisse (comme Frederik).
Max Frisch, c’est un bonhomme qui dit des choses comme ça : « Un cadre, que nous dit-il ? Il dit : regarde, tu trouveras ici ce qui vaut la peine d'être vu, ce qui n'est pas abandonné au hasard et qui n'est pas éphémère ; tu trouveras ici signification et durée, non pas des fleurs qui se fanent, mais l'image des fleurs, c'est-à-dire leur symbole » ce qui, sans chercher midi à quatorze heures, est une autre vision du temps vertical, une notion qui m’obsède passablement.
Il dit aussi d’autres choses comme ça : « La personne est une somme de différentes possibilités [...], une somme non illimitée, mais une somme qui dépasse la biographie. Seules les variantes montrent les constantes » qui fait furieusement penser à Smoking/No smoking et autres jeux sur le possible, les chemins qu'on prend ou pas, qui me parlent bien aussi.
Oui, dans les contrées affinitaires, tout se tient plutôt bien.
Si bien qu’en cherchant d’autres infos sur Max et Le désert des miroirs, j’ai fini par atterrir sur le blog que Frederik consacre à l'élaboration d'Aâma depuis trois ans.


Je ne connaissais pas l’existence de ce blog, Frederik et moi ne nous parlons pas de nos blogs respectifs puisque comme vous le savez, Frederik et moi ne nous connaissons pas. Bref, je voulais juste vous dire que je suis drôlement content que mon ami Frederik Peeters écrive des histoires.



vendredi 15 novembre 2013

Un morse sur la branche

J'ai toujours eu du mal avec les standards de jazz chantés, une curieuse difficulté à apprécier même leurs plus émouvantes interprétations.
Mais en écoutant pour la centième fois My funny Valentine (j'ai moins de mal avec celle-là, oui), je crois comprendre enfin pourquoi. Les mots me détournent de la voix. Épouvantails au milieu du chant, ils parasitent le sentiment.
J'entends la voix du trompettiste, mais seulement les mots du chanteur. 
Les mots sont un médium trop signifiant, ils ferment le sens, allument la lumière quand on se délectait de deviner le murmure dans le noir.
Ce que je cherche, ce qui me manque, c'est la voix de l'autre. Les mots, de toute manière, ils sont tous là, dans le dictionnaire.
Et puis, l'impudeur d'exprimer un sentiment exige un minimum d'inintelligibilité.
Vivent les croisements infinis des phrases à double-sens et les sens cachés des mots-valises à double-fond. Et les questions (comme celles de My Funny Valentine...).
Fuyons les déclarations, laissons les interprétations s'évanouir en tire-bouchon, gravons nos coeurs dans les codex, en latin dans le texte, et si, incapables de silence, nous prend l'envie de chanter, préférons le morse au rossignol.

samedi 9 novembre 2013

Mais quand même...

Un jour tu ne sentiras plus la chaleur de la douche sur tes épaules.
Ce jour-là ni les suivants tu ne sentiras plus le blanc du soleil à travers le rouge de tes paupières ni le grain du papier au bout de tes doigts ni l'acidité du vin sur la pointe de ta langue.
Un jour n'auras plus de corps pour sentir et tu ne sauras même pas que tu n'as plus de corps pour sentir.
Oui, bien sûr, je ne t'apprends rien.
Mais quand même...