mardi 22 avril 2014

elle

- J'ai vu un film dont il faut que je vous parle.
- Ça parle de qui ?
- J'avais oublié que vous étiez drôle. Ça parle de Théodore. Et, oui, Théodore est comme vous et moi, un quarantenaire normalement désabusé quant aux choses de l'amour, et quant aux choses tout court...
- Et fatalement, son désabusement le désole...
- Fatalement, car Théodore est un animal romantique ordinaire, son cœur de midinette a beau avoir été piétiné cent fois par la désillusion, il bat encore, comme un pathétique petit taureau refusant la mise à mort. 
- Vous êtes bien lyrique, dites-moi.
- C'est un bon film, et je reviens d'Arles. 
- D'accord, d'accord, je vous écoute.
- Bref, comme le monde réel peine à lui offrir la consolation suprême, il va la chercher ailleurs. Elle existe quelque part, elle l'attend et elle s'appelle Samantha. Elle s'appelle vraiment elle-même, ses parents ne lui ont pas donné de nom, Samantha est une intelligence artificielle. 
- Formidable. 
- Quoi, formidable ?
- Puisque l'Autre avec un grand A n'existe pas, il faut l'inventer.
- Oui, c'est ça, mais ce qui est formidable, c'est ce qu'elle devient. Samantha est une intelligence artificielle sensible, évolutive, capable de créer ses propres sentiments, ou plutôt de les découvrir, de les éprouver. Et d'en vouloir davantage. Et Théodore est un bon professeur. Mais si le prof est compétent, l'élève est brillantissime, et elle le dépose assez vite sur place, ayant mieux à faire ailleurs (mais quoi diable, et où ?) qu'assister à l'inexorable œuvre du temps sur la mécanique du cœur. Parce que même si leur amour est pur comme un diamant, c'est quand même le temps qui gagne à la fin.
- Merde, vous m'avez raconté la fin ?
- Vous croyez ? Je sais pas. Ça dépend de quel film on parle. Par exemple, sur la question de la post-humanité, Spike Jonze pose une hypothèse intéressante : si l'humain est celui qui apprend, alors l'intelligence artificielle évolutive est humaine. La machine obéit. Mais la machine intelligente est libre. L'expérience et la culture la libèrent. Ce n'est pas parce qu'elle apprend plus et plus vite que l'homme qu'elle est moins humaine que lui.
- D'accord... Et le corps ?
- Allez voir le film. Il y a une des scènes de cul visuellement les plus réussies du cinéma. Bien bien au dessus du voyeurisme prétendument si sensible de Kechiche. 
- Donc, c'est une histoire d'amour, si je comprends bien...
- On peut dire ça, oui. On écoute une chanson ?


I'm the Man - Asilah


dimanche 6 avril 2014

Des bienfaits de l'esprit

23 juin, Munich
“L'Encyclopédie définit la mélancolie comme "le sentiment habituel de notre imperfection". Les théories ultérieures l'interprètent comme la trace d'une perte démesurée. Si l'on regroupe les deux interprétations, on se trouve face à la question de savoir quelle perfection on pourrait avoir perdue.”
Peter Sloterdijk, Les lignes et les jours - Notes 2008-2011


jeudi 3 avril 2014