mercredi 31 août 2016

Coin-coin con-con

Troublant comme l’accent du midi dans la bouche d’une femme qui parle du nez ressemble à s’y méprendre au caquètement d’un canard.

Je me souviens du F18 Flight Simulator

lundi 29 août 2016

Un air de famille

Ma maman a des faux airs de Gérard Depardieu. C'est ma femme qui a remarqué ça. C'est pas faux. C'est étrange à penser, mais c'est pas faux.



Un dialogue de "Police" de Maurice Pialat

(Il essaie de l'embrasser)
- Lâchez-moi, je vous dis ! Arrêtez, c'est ridicule maintenant.
(Il renonce)
- Bah oui c'est ridicule, c'est vrai. Non, c'est ridicule. Oui c'est...
On croit qu'on aime une femme... On croit un instant que c'est possible, et puis effectivement c'est ridicule, excusez-moi, excusez-moi… Mais j'y ai cru, un instant, un petit peu sérieusement. Oui j'y ai cru. 


dimanche 28 août 2016

Le Nord du Sud


Avec les olives, et les oursins quand il y en a, le Sud nous offre un plaisir rare : penser le Nord comme une femme qui attend notre retour.

Comme dans un Miyazaki

Ils étaient six. Ils sont arrivés juste après nous et se sont assis un peu plus loin, entre la tente Quechua verte et bleue et le parasol vert. Ils sont allé se baigner tout de suite. Ils ont nagé un moment et quand ils sont revenus, le père a dit que ça l'avait creusé. Alors ils ont sorti les chips et la mère a déballé les sandwiches au rôti de veau. C'est là que je suis allé piquer une tête. Et quand je suis revenu sur la plage, ils étaient comme vous les voyez, là. Des bovins, quoi. Comme je vous le dis.


samedi 27 août 2016

Un couple au bain



Le soleil est encore bas. C’est l’heure où tous les enfants dorment. On entend seulement des oiseaux dont j’ignore le nom. Ils entrent dans l’eau au ralenti, main dans la main. Ils ont plus de soixante-dix ans ; elle un chapeau de paille grenat vif ; lui des plaques sur le ventre assorties au chapeau de sa dame. On ne sait lequel des deux attend ou soutient l’autre, mais leur souci ressemble à du désir.


Vert la mer

vendredi 26 août 2016

Village gaulois

Les preuves numériques que nous communiquons spontanément (ou sans faire beaucoup de difficulté) définissent notre vie dans ses moindres détails. Grâce à l'accumulation de ces données objectives, la vie de chacun n'est plus un secret pour personne. Notre nécrologie peut même être éditée automatiquement dès que nous cessons de donner ces preuves de notre existence.
A bien y regarder, seule notre vie intime - par son caractère incommunicable - échappe aux autres, et à ce titre nous pouvons la considérer comme une poche de résistance à réduire autant que possible, sinon à faire disparaître.



La guerre du feu




mercredi 24 août 2016

La bise sur la plage

Sur la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer, une femme en monokini fait trois bises à un homme en pantalon et chemise. A chaque bise, ses seins lourds fouettent le torse de l’homme qui se raidit à mesure.



lundi 22 août 2016

Le bouturage des anémones du Japon


Peu avant le décollage du bimoteur à hélices Marseille - Calvi, un homme assis une rangée devant moi élève la voix. Manifestement installé à la place d'un autre passager, il justifie son geste par une maladie qui l'obligerait à se tenir près du hublot : "… si vous voulez que je vous dérange sans cesse, obligez-moi à m'asseoir côté couloir". Ça ne fait aucun sens, mais il se défend avec une telle agressivité que son interlocuteur lui abandonne sa place sans discussion. De l'autre côté de l'allée, placide comme un pape, leur voisine de rang les gratifie tous les deux d’un large sourire énigmatique – telle une mère qui observerait avec tendresse les chamailleries de ses enfants. L'incident passé, elle reprend la lecture de son magazine. L’article qui a ses faveurs traite du bouturage des anémones du Japon. Bien que passablement exotique, ce sujet m’apparaît instantanément très apaisant. À quoi ressemble l'anémone du Japon ? Qu'est-ce qui la distingue de l'anémone ordinaire ? En quoi consiste exactement son bouturage ? Ces questions nouvelles constituent un parfait antidote à mon inquiétude croissante liée au décollage imminent, à la maladie de cet homme, et la précarité de la vie en général. Je ne quitte plus cette femme des yeux jusqu'à notre arrivée tant son choix de lecture la pare de toute la sagesse de l'orient. 


vendredi 12 août 2016

Confusion

Le plus simple, c’est qu’il meure. Il n’est pas question de réfléchir, juste d’agir. Nous disposons d'une piscine, n’allons pas plus loin. Qu’une suffisante quantité d’eau s’introduise dans ses poumons et le tour est joué. C’est bien ainsi qu’on meure noyé, non ? Il est peut-être aussi question d’hypoxie cérébrale et d’arrêt cardiaque, mais ne chipotons pas, réglons le problème et puis c’est tout.
Cette piscine est peu profonde, c’est à considérer. Il a pied sur environ soixante pour cent de la longueur, n’intervenons pas au hasard, attendons qu’il soit du côté des trois yuccas en pot, au-delà du mimosa des quatre saisons, celui au pied duquel le nain a encore laissé traîner son maillot rouge - on se demande d’ailleurs d’où il tient cette manie de se balader à poil, mais passons, l’heure n’est pas encore à l’enquête génétique.
Le lieu du crime étant circonscrit avec suffisamment de précision, définissons maintenant le moment idéal, car en cette affaire plus qu’en beaucoup d’autres (mise à part la montée à la volée peut-être) : timing is everything. Ne tournons pas autour du pot, la fin d’après-midi s’impose sans discussion ; vers dix-huit heures, quand tout le monde rentre se doucher-changer. D’autant qu’il a pris l’habitude à ce moment-là de traîner seul au bord de la piscine enfin devenue calme. Il est sensé, ce type. Disons dix-huit heures trente, donc.
Ah, c’est agréable quand on avance comme ça. Pas de débat stérile ni d’opposition de principe, seulement une suite d’évidences, et tout le monde qui marche derrière comme un seul homme. Tu n’as pas toujours été aussi solidaire, je suis vraiment content de cette nouvelle collaboration, tu sais.
Bien, comment allons-nous procéder pratiquement ? Tu proposes de le tirer par les chevilles vers le fond… Tu as une apnée bien supérieure à la sienne… Très bien, c’est toi qui sais. Moi, je peux me tenir au bord pour lui maintenir la tête dans l’eau si jamais il résiste. “Non, il ne posera pas de problème, il nage très mal, il n’est pas du tout à l’aise dans l’eau, tu sais bien.” Oui, je sais bien. Mais j'ai peur de ne plus savoir de qui on parle, soudain.

vendredi 5 août 2016

Peut-être mort, en fait.

- Salut.
- Bonjour.
- J’ai rêvé que j’allais avoir un autre enfant. Une fille. Puisqu’on avait déjà un garçon…
- Vous avez deux filles, non ?
- Oui, mais c’était un rêve. Vous êtes réveillé ?
- Oui, pardon.
- Sa mère, qui n’était pas ma femme, me disait que cet enfant allait me ressembler alors que je n’en étais pas le père. Je lui répondais que oui, certainement, les filles me ressemblent.
- Ca vous embêtait de ne pas être le père ?
- Pas du tout. Je crois que j’étais un genre de Jésus dans ce rêve, ou Christophe André… En tous cas un type très cool, extrêmement tranquille. Dans mes rêves, je suis souvent un type formidable.
- Ca vous plaisait d’attendre un autre enfant ?
- Je crois que tout m’allait. Je ne projetais rien, j’étais juste là. Tellement bien. J’étais peut-être mort, en fait… 
- C'est peut-être ça...
- Peut-être bien... Une telle tranquillité… Je pensais à mes deux filles, les vraies, à ce miracle… Et j’étais bien. Tout pouvait arriver puisque tout était déjà arrivé.
- L’éternel retour de Nietzsche ?
- Je sais pas...
- Dans le sens "Mène ta vie en sorte que tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement."
- Ca met une certaine pression…
- Tout le monde n’est pas un surhomme, même en rêve, oui.
- Je suis en train de lire 7 de Tristan Garcia. Il y est question de ça, je crois. Est-ce qu’on ferait mieux si on pouvait refaire ?
- Alors ?
- Ferait-on pareil ou autrement ?
- Ferait-on mieux ?
- Je sais pas, on pourrait aller plus vite peut-être…
- Pour aller où ?
- Pour voir ce qu’il y a plus loin.
- Si vous voudriez arriver plus vite au même endroit, c’est que vous êtes pas mal au point où vous en êtes.
- C’est relatif.
- Tout l’est, il paraît. On regarde un truc ?
- Ouaip.

mercredi 3 août 2016

Rue Boursault

C’est le Transilien de 5h45 qui a niqué ton rêve, mais ce bruit de Goldorak rouillé, c’est celui du camion poubelle de la rue des dames. Il est presque six heures et son broyeur manque définitivement d’huile. Tu as vingt-cinq minutes pour te rendormir avant l’arrivée du livreur du Franprix qui laissera tourner son moteur pour maintenir tant bien que mal la température à l’intérieur du container ouvert. Il est là, qui cogne le porte-palettes du magasin contre le hayon métallique de son camion. Il est volontaire, le livreur du Franprix. Ce matin, tu ne comptes que trois palettes, on est en août, le réassort doit être moins important. Tu te lèves, tu ouvres la fenêtre et tu prends une photo. Le ciel est clair. La voisine d’en face a dormi la fenêtre ouverte et il est trop tard pour la refermer. Les stratus sont en train de passer du rose au gris foncé, la lumière est jaune sale, et la tour du Hyatt renvoie mollement les premiers rayons du jour. Tu retrouves ton futon. Tu écoutes une rediffusion de Science publique, Sexe, hypnose, méditation : peut-on percer les mystères de la conscience ? C’est drôle, c’est passionnant. C’est au tour du camion poubelle de la rue Boursault maintenant, tu te lèves pour fermer la fenêtre, tu en profites pour vérifier que le camion n’est pas au cinquième étage. Non. On jurerait pourtant. L’émission dure une heure. Tu es bien, tu en profites pour respirer. 




Tu_repasses dans la journée entre deux averses. Le ciel est chargé, mais c’est assez beau. La tour du Hyatt se dessine bien, on distingue même quelques-unes de ses antennes malgré une luminosité de merde. On voit un petit rectangle de ciel bleu à droite. Bleu ciel.



Ce_soir, le ciel se dégage. C’est doux comme j’aime. Des étourneaux s’amusent comme des jeunes chiens de l’autre côté de la voie ferrée. C'est aussi hypnotisant qu’un feu de cheminée, sauf qu'on lève un peu plus la tête. Les oiseaux plongent de temps à autre dans la rue Dulong, je les perds quelques secondes et ils réapparaissent. C’est heureux comme une fête foraine, ça pourrait durer des heures et ça en dure presque une. Bientôt, la tour du Hyatt tournera à l’orange et un peu plus tard on allumera la lumière dans quelques chambres. Je vais descendre me faire une napolitaine, je crois.